Il y avait, à Rome, une cérémonie officielle nommée Triumphus par laquelle l’empire honorait un général de retour d’une guerre victorieuse.

Des chars et chevaux triomphants

Debout sur son char, attelé à de nobles chevaux, non à un vil âne, “le triomphateur faisait une entrée solennelle dans la Ville sous les acclamations de la foule”. Dans le long cortège, figuraient le butin de guerre, ses soldats mais surtout les chefs ennemis vaincus et leurs familles livrés en spectacle avant d’être froidement exécutés.

Après qu’il ait marché sur la tête de l’empereur Tibère (le lac qu’il a foulé du pied ne s’appelle pas Tibériade pour rien), qu’il ait renvoyé des légions (romaines) à la mer (Mc 5), il est possible de penser que le Christ vit son entrée à Jérusalem comme un Triumphus à l’envers : au lieu d’exécuter les autres, il se laissera exécuter ; ce faisant, dira St Paul, il a “dépouillé les puissances de l’univers, les a donné publiquement en spectacle et les a traînées dans son cortège triomphal” (Col 2,15).

Il a révélé, en la subissant, la violence assassine que les hommes ont la malheureuse habitude de fêter triomphalement, y compris jusque dans cette triste joie de nos petites vengeances. Cette violence est l’ennemi qu’il a traîné dans son triomphe.

A l’âne humble et prophétique

Mais cette subversion apparaît peut-être avant tout, dans sa préférence de l’âne à la noblesse du cheval. “Aux uns, les chars ; aux autres, les chevaux ; à nous, le nom de notre Dieu” (Ps 19,8). Il y a, dans l’histoire, à côté du fameux âne de Balaam (Nb 22), l’âne d’Abraham (Gn 22,3), l’âne de Moïse (Ex 4,20 – qui le ramena de Madian en Égypte, d’où on pensa probablement que Joseph et Marie s’enfuirent en Égypte à dos d’âne), l’âne du Messie à venir (Za 9,9)…

Un midrash commente : le même âne qu’attela Abraham pour le “sacrifice” d’Isaac, fut le même qui porta Moïse et le même qui fera entrer le Messie à Sion. Une lignée prestigieuse où la faiblesse a souvent triomphé de la force, où parfois malgré des ruses, l’on ne s’est jamais abaissé à faire l’âne pour avoir le foin.

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