Je suis en weekend avec les servants d’autel plus âgés pour préparer le camp d’été des plus jeunes. Et voici l’homélie que je leur ai livrée à la messe ce soir.
Le christianisme n’est pas évident
On ne le dit pas assez mais nous les chrétiens sommes quand même des êtres un peu tarés. Nous prêchons et croyons à des choses qui sont non pas difficiles, non pas idéalistes mais simplement impossibles. Aimer l’ennemi, donner sa vie pour les autres, jusqu’à la mort, tendre l’autre joue… Tout ce genre de joyeusetés que nous allons répétant sont littéralement impossibles.
Pour arrondir les angles, notre technique est de dire: oui, Jésus a dit ça mais il ne le pensait pas vraiment. Ce qui veut dire que nous sommes conscients qu’il suffirait de prendre Jésus au sérieux deux minutes pour nous en rendre compte. Je vais enterrer un jeune homme de 40 ans mardi et je dois avouer que, dans une telle situation, même l’espérance de la résurrection devient impossible à prêcher.
Aimer l’ennemi ou lui faire la peau?
C’est de la même impossibilité que les premiers chrétiens font l’expérience dans la première lecture de ce cinquième dimanche de Pâques. Saul va devenir l’apôtre Paul. Mais il a passé la moitié de sa vie à persécuter les chrétiens, à en envoyer une quantité en prison. Ce Saul est un ennemi qui, même pour les premiers chrétiens, n’avait pas l’air du tout aimable. Et même lorsque la rumeur court qu’il s’est converti, personne n’y croit. Personne même parmi ces chrétiens exemplaires du premier siècle n’a envie de tenter l’amour d’un tel ennemi. On cherchait même à lui faire la peau. C’est cette impossibilité qu’il faut se prendre dans la figure sans chercher à l’éviter.
D’abord, elle permet d’apprendre à être tolérant vis-à-vis de ceux qui ont du mal à y croire. Ce n’est pas toujours par mauvaise foi, ce n’est pas toujours par indifférence qu’ils ne croient pas, ou qu’ils en sortent. C’est que tout ça a l’air parfois très déroutant.
Entre la vigne et les fruits, le câble
Mais le plus important est ailleurs. Et elle est sous forme de question: si c’est si compliqué, si impossible, qu’est-ce qui nous fait penser, nous qui y sommes, que c’est malgré tout faisable, utile, beau? Qu’est-ce qui fait que les chrétiens ne sont pas simplement des gens fous qui croient à des choses impossibles? Il faut être franc: ce n’est pas parce que nous sommes des gens super, par nature plus gentils ou meilleurs que les autres. C’est simplement parce que nous reconnaissons que nous n’avons pas notre source d’énergie en nous-mêmes.
Jésus a sa façon de le dire dans l’évangile d’aujourd’hui. Nous sommes, dit-il, des sarments qui sont collés à la vigne et qui, seulement ainsi, peuvent porter du fruit. Je crois qu’on pourrait traduire ça en disant aussi que nous sommes des cables d’alimentation qui sont insérés dans la prise pour allumer des ampoules ou charger des téléphones. Nous ne sommes pas plus que ça: nous ne sommes pas la sève et nous ne sommes pas le fruit. Nous sommes le lien entre l’une et l’autre.
Notre vocation de chrétien est aussi simple et banal que ça: être des canaux, des courroies de transmission. C’est un peu le rôle que vous jouez en tant qu’animateurs pour les jeunes. Prendre de ce que vous avez reçu vous-même pour le transmettre à d’autres. Les autres, ceux que nous aidons, ceux à qui nous permettons de rallumer leur lumière, c’est en fait eux, le fruit que nous portons. C’est les autres, dans votre cas les enfants dont nous nous occuperons, qui sont les fruits que nous portons. C’est lorsque la joie naît sur leur visage que nous nous rendons compte que, vraiment, ce que Jésus dit n’est pas si impossible, si fou, si taré que ça paraît.
Un nouveau saint patron des animateurs
J’ai cherché parmi les saints patrons des animateurs et j’ai été déçu de ne pas voir le nom de Barnabé dans la liste des Don Bosco et autres. Entre Paul et la commuanuté qui a peur de lui, Barnabé joue, en fait, le rôle du câble d’alimentation, du sarment qui relie à la vigne.
Je suis donc heureux ce soir de proclamer un nouveau saint patron des animateurs. Bon, je vous prie tout simplement de ne pas le dire au pape. Bien sûr, saint Barnabé. On n’entend pas beaucoup parler de Barnabé dans l’histoire, peut-être parce que son nom est proche de celui de Barrabas, le sinistre personnage de la passion du Christ. Mais Paul est l’un des fruits qu’il a porté. Et quand on voit ce que Paul a fait dans l’histoire de l’Église, on peut dire que ce seul fruit qu’il a porté est un fruit admirable.
Ce que nous transmettrons à ces jeunes et ces enfants, nous ne savons pas quels fruits, cela portera. Nous n’avons d’ailleurs pas à en décider. L’essentiel, c’est de transmettre avec enthousiasme. D’être des cables d’alimentation enthousiastes. Nous allons nous brancher à cette eucharistie pour nous mettre à jour et prier pour que le Seigneur nous maintienne attachés à lui et nourrisse notre enthousiasme.
Beh! There is a lot to say .. but I like how you say it .. n I m sure there are Don Bosco out there . But we are in time of Media .. n Francesco non penso dica niente ti incoraggia di più nella ricerca. ..
Thank you Abbe
« Tout ce genre de joyeusetés que nous allons répétant sont littéralement impossibles. »
J’ai découvert un néologisme « joyeusetés » mais j’ai retenu bien plus que ça. Nous ne sommes rien d’autres que des courroies de transmission, des cables d’alimentation. Ils ne servent qu’à ça: à transmettre mais ne peuvent transmettre sans être reliés à la source d’énergie.
J’ai trouvé le commentaire court et léger ( oui c’était prêché aux jeunes ) mais j’ai bien aimé. Parfois, développer, expliquer en longueur, analyser et commenter finissent par perdre le lecteur.
Saint Barnabé vous serai reconnaissant. A très bientôt
Merci, Audrey.
Un peu léger de temps en temps, n’est-ce pas 😉