Et si la parabole du semeur parlait d’autre chose que du semeur ? Tout grain perdu, y dit aussi Jésus, ne tombe pas forcément sur une mauvaise terre.
Une affaire de titre
Et voici la première parabole. La parabole dite du semeur. Les titres donnés au paraboles en orientent la lecture et on pourrait s’exercer à donner d’autres titres pour les voir se déplier autrement. Ainsi titre classique de cette parabole fait porter l’attention sur le semeur qui paraît alors, à tous les points, déraisonnable.
Il n’y a aucun véritable agriculteur qui sciemment va semer des grains au bord de la route, dans les ronces et dans les pierres en espérant ensuite les voir germer et porter du fruit. Donc, Jésus nous présenterait un drôle d’agriculteur déraisonnable, qui choque le bon sens. Cette déraison serait le signe de la miséricorde débordante de Dieu, etc. etc. (Notons ici que ce qui est le signe du débordement de Dieu, ce n’est pas la déraison mais l’abondance).
Vous avez jamais semé ?
Mais fidèle à notre théorie d’hier (on m’a dit qu’elle était bavarde), frottons-nous les yeux et regardons de nouveau. Ce qui arrive dans cette parabole est la chose la moins déraisonnable au monde. Quiconque a jamais ensemencé un champ le comprend : le semeur est sorti pour semer ; et pendant qu’il semait (virgule) des grains sont tombés. Tout semeur va semer dans un champ ; et c’est exactement ce que fait le semeur de l’évangile. Et tout semeur sait que, pendant qu’il sème, il y a des grains qui tombent ; et c’est exactement ce qui arrive au semeur de l’évangile.
Des grains tombent à gauche et à droite, pour plusieurs raisons : ils nous glissent des doigts, parfois on les ramasse, parfois on les laisse là où ils sont tombés parce qu’on est fatigué. En tout cas, les grains tombés sont perdus, parce que souvent, ils n’ont pas atteint la destination qui était prévue. Et la parabole du semeur concerne précisément ces grains perdus. Avant d’être une parabole du semeur, (changeons de titre) elle est peut-être d’abord la parabole des grains perdus.
La rédemption (im)possible
Pour nous les hommes, les grains perdus sont vraiment perdus. Mais dans la parabole, Jésus rassure : même parmi les grains qui nous semblent perdus, il y en a qui porteront du fruit. Et voilà la bonne nouvelle de cette parabole. Aucun missionnaire sérieux n’a jamais été épargné par le sentiment de perdre son temps.
On donne et on a l’impression que ça n’avance pas. On veut aller à l’essentiel et il y a des effets de frottement retardent dans les objectifs fixés ; nous passons du temps à régler des problèmes qui nous paraissent inutiles, etc. On fait des résolutions de carême et déjà le jeudi après les cendres on en a perdu la moitié. Tout cela, c’est du grain perdu. Irrécupérable, humainement.
La graine qui voilà était perdue est retrouvée
Et là, la nouvelle tombe : Tout grain perdu, dit Jésus, ne tombe pas forcément sur une mauvaise terre. Il ne faut pas perdre de vue le contexte où se situe cette parabole dans l’évangile de Matthieu. Dans les chapitres précédent et suivant, la Parole du Christ rencontre de la résistance de la part des pharisiens, des scribes, etc.
Jésus se recentre alors sur le « champ », c’est-à-dire le groupe de ses disciples. Et à ceux-ci, il annonce que parmi tous ces grains tombés pendant qu’il semait chez les pharisiens, certains sont irrémédiablement perdus, mais certains porteront du fruit au-delà de ce qui a été perdu. Pour quatre graines perdues, trois sont définitivement perdues. Mais parmi quatre graines perdues (dans la terre, les ronces, au bord du chemin), une graine se perd mais d’une heureuse perte : elle tombe dans la bonne terre.
Et pour quatre graines perdues, on récolte 30, 60 ou 100. Ce qui, en définitive, pour celui qui voit au-delà de la perte immédiate, est un motif d’espérance inouï. Et c’est avec ce regard émerveillé, ces yeux heureux, que le disciple est appelé à regarder le monde et sa propre mission et sa propre vie. Rien n’est perdu et parmi ce qui semble perdu, Dieu fait encore des miracles.
Merci pour cette méditation
« Rien n’est perdu et parmi ce qui semble perdu, Dieu fait encore des miracles ».
Parce que oui Dieu n’est pas limité et il faut apprendre à y croire jusqu’au bout. Le larron de la dernière heure est un exemple révélateur pour moi. Je suis convaincue que Dieu peut tout, nous sauver même quand tout nous condamne parce que comme vous l’avez si bien relevé, sa miséricorde est abondante.