La justice, selon une définition très ancienne et vénérable, consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû (suum cuique tribuere, pour le latin). Mais cela suffit-elle à organiser la vie? Pas si sûr…
Justice, laquelle?
Cette conception de la justice est, par exemple, au fondement de ce qu’on appelait la vertu de religion : être croyant, c’est apprendre à être juste devant Dieu, c’est-à-dire concrètement chercher à lui rendre ce qui lui est dû : le culte véritable. Mais, entre les hommes, elle pose des problèmes presque insolubles : comment savoir exactement ce qui est dû à quelqu’un ? Et cela doit-il être déterminé suivant son rang social, par exemple ? Ou bien cette chose due est-elle la même pour tous les hommes quels qu’ils soient ?
Par-delà la justice
C’est peut-être pour cette raison que, dans l’Evangile, Jésus insiste toujours sur le fait que « votre » justice doit dépasser « la » justice (en l’occurrence celle de Pharisiens & Co.). Mais qu’est-ce que cela veut dire de surpasser la justice ? Rendre à chacun ce qui lui revient, disait Benoit XVI, c’est distinguer clairement entre ce-qui-est-à-moi et ce-qui-est-à-toi et, en conséquence, garder pour moi ce qui est à moi et te donner à toi ce qui est à toi.
La charité dépasse la justice, parce que aimer c’est donner, offrir du mien à l’autre ; mais elle n’existe jamais sans la justice qui amène à donner à l’autre ce qui est sien, c’est-à-dire ce qui lui revient en raison de son être et de son agir. Qui aime les autres avec charité est d’abord juste envers eux. [Mais] la charité dépasse la justice et la complète dans la logique du don et du pardon.
Caritas in Veritate, n°6
Mais pour le chrétien, ce n’est là qu’un premier pas. Le second pas consiste, pour dépasser cette justice, non plus seulement à te rendre ce qui est à toi mais à te donner ce qui est à moi.
Justice et charité s’embrassent
C’est cela qui s’appelle la charité : le moment où je ne te rends plus seulement ce qui t’appartient de droit, mais où j’accepte de te donner aussi quelque chose qui m’appartient moi et que j’accepte de ne pas garder pour moi tout seul. Et cela peut aller tellement loin qu’elle entraîne à donner MA vie pour TOI. Oui. Et ne me regarde pas. Regarde la Croix ! Tu vois ?
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