Vous l’aurez compris. Pour le Carême, je reprendrai, jour après jour quelques-unes de mes lectures des paraboles. Et aujourd’hui, la question est : qu’est-ce qu’une parabole ? Et la réponse se trouve, à mon avis, dans la parabole du semeur.
Jésus dribble, comme d’hab
A la fin de la parabole du semeur, les disciples demandent autre chose et Jésus fait autre chose. Ils lui demandent pourquoi il parle en parabole et Jésus se met à leur expliquer la parabole du semeur. Et sa réponse est dans sa non-réponse. Car, la parabole du semeur ne dit peut-être pas, avant tout, que nous devons être la bonne terre. C’est notre tendance à injecter la morale dans l’évangile qui nous fait courir dans cette direction. Car où trouverions-nous la force de l’être avant que la graine de la parole soit plantée en nous ? Et si nous pouvions en trouver les moyens ailleurs de quelle utilité nous serait la parole ?
Et ces malentendus servent à dire ce qu’est une parabole. Parler en parabole, en effet, c’est être capable de faire parler des choses qui ne parlent pas, de faire voir des réalités qu’on ne voit pas. Cela est constant dans les paraboles de Jésus : ce sont les oiseaux, les lys des champs, un grain de moutarde, le vent, un pied de vigne, etc. qui se mettent soudain à nous raconter l’histoire du Royaume. Une parabole vient toujours juger notre regard. Elle vient nous dire : tu crois voir l’oiseau, mais tu ne vois sûrement pas ce qu’il dit. Tu crois entendre le vent, mais en fait, tu n’entends pas vraiment ce qu’il raconte. Dans la parabole du Semeur Jésus exprime cette critique en citant Isaïe : « Vous aurez beau écouter, vous ne comprendrez pas ; vous aurez beau regarder, vous ne verrez pas. »
Comme s’il voyait l’invisible (He 11,27)
Puisque tel est l’enjeu du parler en parabole, recevoir une parabole, comporte, donc la capacité d’entendre ce qui n’est pas audible et de voir ce qui n’est pas visible. Le vrai disciple, dit l’épitre aux Hébreux (11,27) est celui qui agit comme s’il voyait l’invisible. Et celui dont les yeux sont bloqués sur des faits, sur des évidences faciles, celui qui ne sait pas aller au-delà du visible, qui ne sait pas scruter le sens des choses, celui donc qui ne sait pas écouter les paraboles, celui-là ne peut être véritable disciple du Royaume. La parabole, au contraire, est un entrainement à voir Dieu lui-même.
Une parabole, en définitive, c’est la béatitude des yeux et des oreilles, que Jésus proclame dans la même parabole du semeur. « Heureux vos yeux puisqu’ils voient et vos oreilles puisqu’ils entendent. » Voilà le sens de la vie chrétienne tout entière : des yeux qui voient et des oreilles qui entendent ! Et seules les paraboles, en nous dévoilant ce qui est invisible et en nous apprenant à voir ce qui n’est pas accessible, nous conduisent vers cette béatitude. Voilà pourquoi Jésus parle en paraboles ! Pour nous apprendre à voir et à écouter.
La parabole, une discipline eucharistique
Application concrète et répétitive dans la vie chrétienne (catholique) : regarde ce morceau de pain que le prêtre vient d’élever. Vois-tu seulement du pain ou vois-tu plus loin ? Et plus encore: regarde ton prochain et sa sale gueule, le vois-tu comme Dieu le voit ou as-tu envie de lui rendre sa baffe? Vois-tu l’entraînement à voir mieux ? A demain.