Combien de jours compte le temps de carême chez les catholiques? Quarante jours? Vraiment? Il suffit de regarder sur internet pour se rendre compte que les réponses sont aussi nombreuses que les jours de carême.

L’année liturgique n’est pas linéaire

Le comput de l’année liturgique est assez bizarre en soi. Il n’y a que deux séries de fêtes qui répondent parfaitement au comput qui nous est familier. Le délai entre la grossesse de Marie (25 mars) et la naissance de Jésus (25 décembre) fait exactement neuf mois. De même le délai entre la grossesse de la maman de Marie (8 décembre) et la nativité de la vierge (8 septembre) est aussi de neuf mois. À part ces deux régularités, tout le reste est un grand micmac. Et notamment quand on en vient à compter les jours de carême.

En tout, il y a 44 jours

Tout le monde, surtout au début, glose à n’en plus finir sur les quarante jours de carême. Or, si on compte les jours les uns après les autres depuis le mercredi des cendres, on arrive à 40 le dimanche des rameaux. Or, à Rameaux, le carême n’est pas encore fini. Officiellement, depuis 1970, le Carême va des Cendres à l’après-midi du Jeudi saint. Même officiellement donc, il ne compte pas 40 mais 44 jours. Certains disent : — c’est parce qu’il faut soustraire les dimanches. Mais c’est pire, 44 moins 6 égal 38, toujours loin du compte. La fameuse quarantaine ne serait-elle donc qu’une pieuse métaphore ? Oui, et non, et voici l’histoire.

Au 4e siècle, le Carême commençait non pas au mercredi des Cendres mais du 1er dimanche de carême et durait jusqu’au jeudi saint, soit 40 jours pile poil. Mais les évêques au Concile de Nicée, pour ne pas faire simple, ajoutèrent l’interdiction de jeûner les dimanches. Ce qui semble normal, à y réfléchir. Cela réduisit le nombre de jours de jeûne à 34, à la grande insatisfaction future des chrétiens qui voulaient imiter les 40 jours de jeûne du Christ au désert.

Mais il y a bien 40 jours de jeûne

À cette époque, les Cendres n’étaient imposées le mercredi qu’aux pécheurs publics. Mais les fidèles trouvaient le signe si sexy (si, si !) qu’ils le réclamèrent pour tous. On commença donc à faire commencer le carême au mercredi des cendres. On gagna donc 4 jours de pénitence en plus, les portant de 34 à 38.

Restent donc 2 jours de pénitence à trouver pour atteindre les quarante. On emprunta le vendredi et samedi saints au Triduum pascal qui, techniquement, n’appartient à aucun temps liturgique. Donc le Carême ne compte pas 40 jours mais comporte bien 40 jours de jeûne et d’abstinence : 44 jours de carême au total moins 6 dimanches plus vendredi et samedis saints. 44-6+2=40, voilà l’équation dont la solution dépend d’une distinction fine: distinction entre les jours effectifs de carême qui sont de 44 et les jours où l’on peut/doit jeûner avant Pâques, qui sont bien de 40.

L’Inconnu où quand il s’agit de se laisser faire

Le temps liturgique est ainsi : à part les deux fois 9 mois mentionnés plus haut, ce temps n’est jamais tout rond. La première raison, c’est que, comme l’explique Jean-Baptiste Lebigue, « Le temps liturgique est déterminé par la superposition de trois variables : l’année solaire sur laquelle est fondé le calendrier des fêtes fixes, le rythme hebdomadaire des dimanches et des féries, et enfin la connexion du cycle lunaire, de l’année solaire et du rythme hebdomadaire, dont dépendent le cycle pascal et les fêtes mobiles. » et que cela génère inévitablement des instabilité.

Mais, à mon sens, il en est ainsi pour une raison plus essentielle : c’est un temps qui abrite l’éternité en son sein, tel un enfant à naître (!). Son équation comporte donc toujours un inconnu x qui représente non pas la mesure de ce que nous faisons du temps (ce jeûne que nous avons si pieusement observé) mais la mesure où nous nous laissons faire par le temps, la part de Dieu.

1 Comment

  1. Mais ce jeûne que nous avons encore une fois si brillamment ignoré. Donc, c’est comme ça qu’on trouve les 40 jours où on doit jeuner 44-6+2. C’est magnifique l’Eglise catholique et ses règles. Je suis d’avis avec vous sur votre conclusion. Dans l’église, le nombre ou le temps n’est pas le plus important vu qu’on parle d’éternité.

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