Car, quiconque demande, reçoit. Euh, vraiment ? Si l’on interroge M. Quiconque, il nous dirait bien le contraire. Il a plutôt l’impression de s’affairer à la demande et, souvent, d’en recevoir, pas vraiment. Mais peut-être nous aide-t-il alors lui-même à poser les questions. M. Quiconque sait-il vraiment demander ? Mais avant même de savoir demander, sait-il recevoir ?
Le missionnaire Quiconque et le lion chrétien
Un missionnaire traverse jour la brousse en Afrique pour rejoindre une de ses nombreuses paroisse située un peu loin. Chemin faisant, il tombe nez à nez avec un lion. Il fut d’abord paniqué mais reprenant ses esprits, il se mit à genoux et commença à prier, de toutes ses forces, et il disait : « Mon Dieu, inspirez donc une pensée chrétienne à cet animal ». À son grand étonnement, le lion se mit assis sur ses pattes de derrière, croisa les pattes de devant comme en prière, leva les yeux vers le ciel et dit tout haut le Notre Père. Puis quand il avait fini, il ajouta : « Mon Dieu, je vous rends grâces pour ce repas. Bénissez-le et inspirez-moi de la charité pour que j’en réserve aussi à ma famille ». Ce missionnaire a-t-il été exaucé ou non? J’aimerais partir de là pour partager deux choses avec vous à propos des lectures d’aujourd’hui qui parlent toutes de la prière.
Quiconque demande reçoit, dit Jésus. Mais nous avons déjà tous fait l’expérience d’avoir demandé et de n’avoir, pour ainsi dire, rien reçu ou plutôt, nous n’avons pas reçu ce que nous avons demandé. Nous avons prié pour un malade et il est mort quand même; nous avons supplié Dieu pour réussir un examen et ça n’a pas marché; nous avons prié Dieu pour la conversion d’un ami et nous avons l’impression que rien n’y fait; nous prions pour la paix, la justice et… La liste serait longue. Alors, “demandez et vous recevrez” On a envie parfois de demander à Jésus si c’est vraiment vrai. Mais j’aimerais poser deux questions à propos de cet évangile: premièrement savons-nous vraiment recevoir? Deuxièmement, savons-nous vraiment demander?
La théorie de la banane : sur les mille façons de recevoir
Pour ma part, je suis convaincu que Dieu donne toujours. Le seul problème, c’est que parfois, il ne donne pas comme nous l’attendons et ça nous donne l’impression de n’avoir pas reçu. Ce n’est pas Dieu qui ne donne pas, c’est souvent nous qui ne savons pas recevoir. Et j’ai une petite théorie personnelle sur la question que j’ai trouvé dans le livre d’un vieux moine dont je ne me rappelle plus le titre. Alors, j’ai appelé ça “la théorie de la banane”.
Supposons que, dans votre prière, vous dites à Dieu: “Seigneur, je veux absolument une banane”. Eh bien, Dieu peut vous répondre: “Mon enfant, voici la banane”. C’est la première façon d’être exaucé. Et c’est la seule qui nous réjouit vraiment, nous chantons alors Alléluia, notre foi devient grande à transporter les montagnes. Mais ce n’est qu’une façon entre mille d’être exaucé.
Car Dieu peut répondre aussi d’une deuxième façon. Il peut dire: “Mon enfant, tu as demandé une banane mais la banane ne te convient pas. Tiens, à la place, voici une orange”. Celui qui est ainsi exaucé non seulement ignore que c’est Dieu qui lui donné une orange mais surtout il se fâche parce qu’il n’a pas obtenu la banane qu’il demandait. C’est déjà un point qui montre que souvent, nous ne savons pas recevoir.
Mais Dieu pourrait même répondre encore d’une troisième façon et dire: “Mon enfant, tu as demandé une banane, mais tu n’en as pas besoin maintenant, je te la donnerai dans dix ans”. Là, c’est encore pire déjà. On n’est pas content du tout, mais encore à force d’attendre dix ans après, on a peut-être perdu la foi entre temps et quand la banane survient enfin, nous avons sûrement oublié avoir demandé quelque chose.
Mais la quatrième façon est pire encore. Dieu pourrait dire aussi: “Mon enfant, tu as demandé une banane mais toi, tu n’as pas besoin de banane; mais puisque quiconque demande reçoit, la banane ira au voisin qui en as grand besoin en ce moment.” Oh, quel bel acte de charité. Et pourtant, ça nous énerve! Et nous posons des questions: pourquoi tout va bien chez le voisin et moi, rien ne marche, et et et… Mais n’est-ce pas nous-mêmes qui avons dit, dans la prière, Donne-NOUS aujourd’hui notre pain et pas donne-moi?
Bref, je ne prétends pas savoir comment Dieu s’arrange avec nos prières comme il s’en sort quand le chat lui demande de trouver une souris à manger et que la souris lui demande la grâce de ne pas croiser un chat. Ce que je veux suggérer, c’est simplement que, peut-être, Dieu donne toujours, mais nous ne savons pas toujours recevoir. Et voyez, il donne même des choses que nous n’avons pas demandées: le soleil et le clair de lune, la terre et la mer majestueuses, les fruits et les fleurs flamboyants, le charme du sommeil et les grâces de l’amour… C’est notre vie qui serait bien pauvre et triste s’il se contentait de ne donner que ce que nous avons demandé et de la façon dont nous l’avons demandé.
L’ami du milieu ou le secret de la demande
Demandez et vous recevrez. Mais savons-nous recevoir? Mais la deuxième chose: savons-nous demander?
Nous avons dans l’évangile ce dimanche, une parabole que j’aime beaucoup. On l’appelle souvent la parabole de “l’ami importun”. Je préfère l’appeler la parabole des trois amis. Il y a l’ami de gauche, l’ami du milieu et l’ami de droite. (Disclaimer : ça n’a rien à voir avec la politique, lol) Et ce que cette parabole nous donne à contempler, ce sont les vertus de l’ami du milieu. C’est lui qui se donne de la peine, pendant que l’ami de droite, drapé dans son confort ne veut pas bouger, et que, sans doute, l’ami à gauche se tourne les pouces dans le canapé de son hôte.
C’est le même rôle que joue Abraham dans la première lecture, un autre texte que j’aime beaucoup et qui me fait toujours penser à ma grand-mère négociant le prix de la tomate au marché d’Anié. Qu’on puisse être aussi détendu avec Dieu est la plus pure critique de la bigoterie que j’aie jamais connue. Mais cessons d’être mauvaise langue et revenons à Abraham. Il est l’ami du milieu entre Sodome sur sa gauche et Dieu à sa droite.
L’ami du milieu, c’est l’ami-canal, l’ami-médian, qui va chercher chez l’un pour donner à l’autre et dont l’abnégation et le désintéressement est tel que Dieu, se laisse finalement fléchir. C’est l’ami qui se tient au milieu de deux, qui en prend à l’un pour en donner à l’autre. Ne poursuivant pas son propre intérêt, il est, nous dit saint Luc, « sans gêne » et persévère jusqu’à obtenir la grâce qu’il vient demander. C’est l’ami qui refait le lien lorsque son ami de droite et son ami de gauche s’éloignent l’un de l’autre. (Il ne vous échappera pas que l’ami-lien, par excellence est le Saint Esprit). (Ou que, parfois, ça peut échouer comme pour l’enfant prodigue ou pour la femme adultère ou Abraham lui-même).
Ce n’est donc pas la réussite ou l’échec, c’est la position même de l’ami du milieu qui est importante. Et dans sa position se trouve peut-être, pour nous, une indication pour notre vie de prière. Celui qui prie non pas tout le temps pour lui-même; celui qui prie afin que Dieu exauce les autres, celui-là sera sûrement abondamment comblé. Celui qui prie pour les autres, avant même d’être exaucé, commence à en voir les fruits: son cœur devient un cœur devient sensible, il se rapproche de celui pour qui il prie, et cette joie d’être ensemble est déjà un signe de la présence de Dieu. N’est-ce pas qu’à deux ou trois, Dieu est déjà là au milieu ? Alors, dans notre vie de prière, savons-nous demander? Savons-nous recevoir?
L’ami-lien. Merci pour ce billet qui nous invite à nous reposer les bonnes questions: savons nous recevoir et savons nous demander ?
Que Dieu nous accorde sa grâce.