“C’est un lieu commun, dit Chesterton, que les incélébrités sont plus célèbres que les célébrités”. Cette phrase pourrait bien convenir au portrait de l’apôtre Judas.
Judas m’as tuer
Au hit parade des répugnances humaines, par rapport à lui, Donald Trump est un enfant de chœur. Il est le repoussoir sur lequel nous projetons tout cela que nous détestons : trahison des amis, collaborations avec l’ennemi, faux baisers, suicide. Ce à quoi St Jean, qui ne l’aimait visiblement pas beaucoup a ajouté la réputation du voleur (Jn 12) et du possédé (Jn 13).
Réhabiliter le mauvais garçon?
Certains auteurs modernes veulent réhabiliter le mauvais garçon. Ils disent qu’il a trahi par amour : ne tolérant pas, dit-on, que le Christ meure entre les mains des prêtres, il croyait le faire réagir en le livrant ; que sa réaction provoquerait un soulèvement pour buter les colons romains hors d’Israël, surtout qu’on pouvait compter, avec lui, sur une armée d’anges en renfort. Voyant Jésus refuser jusqu’au bout cette voie, son algorithme bien calculé bugua et son cœur s’en alla se pendre. Bref, il voulut guérir le mal par le mal et le Mal l’emporta.
Ils disent aussi que, puisqu’il était nécessaire que le Christ meure et ressuscite pour sauver, il fallait que quelqu’un trahisse. Il va sans dire que, de tout cela, qui ressemble à des promenades dans les cerveaux de Dieu ou de Judas, nous ne savons absolument rien.
Soi-même comme un autre
Mais voilà : le garçon a beau être un sale type, il ne laisse personne indifférent. Et quand on pense parler de lui, on parle toujours de soi-même. Dans ce sens, j’ai de la sympathie pour la sympathie de St Matthieu pour Judas. Parce qu’il fut lui-même agent des impôts, il devait avoir une complicité avec le trésorier Judas. A la différence de Jean, il le décrit comme un homme perdu et repentant, qui retourne voir les autorités pour leur dire que Jésus était innocent.
Matthieu montre surtout que, si l’on regarde les choses de près, la trahison de Judas et le repentir qui l’a suivie n’est pas pire que le reniement de Pierre. Et tous les deux, à table, ont entendu Jésus annoncer que le sang allait être versé pour les péchés de la multitude. Pierre attendra, incrédule, la résurrection, et Jésus lui remettant la faute ; Judas n’attendra pas. Il se fera justice, cash, avant de connaître la totalité de l’histoire. Peut-être avait-il été déjà pardonné dans l’eucharistie qu’ils venaient de partager?
Ne le saura jamais qui n’a pas su attendre. Tiens, parlant de lui, aurais-je ainsi parlé de moi? Insensé qui croit que je ne suis pas toi!
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