Il me semble que toute méditation sur la Trinité devrait commencer par une contemplation de l’Esprit saint, l’insaisissable compagnon qui fait aimer le Fils et indique le Père.
Au commencement, il planait sur les eaux (Gn 1,2). Le mot traduit par planer désigne la couvaison et décrit (Dt 32,11) le geste maternel de l’oiseau couvant ses œufs ou ses petits. Planant, telle donc une mère, il préparait donc la naissance, la venue au monde de ce qui n’était pas encore. Et, lorsque les temps furent accomplis, c’est encore lui qui plana de nouveau sur Marie et, en complicité avec elle, “élevant sa féminité à la perfection”, donna chair au Verbe. Avec la même complicité, cette fois-ci avec l’Église, au long des temps, il continue de faire des enfants à Dieu — nous qui naissons de l’eau et de Lui.
À cet égard, un personnage biblique souvent traité de naïf, peut-être, ne l’est finalement pas : le bon vieux Nicodème. Quand Jésus lui dit qu’il faut naître de nouveau, il demande si cela veut dire rentrer dans le sein d’une mère pour en ressortir (Jn 3,4). Peut-être avait-il compris ce qu’il n’avait pas compris : que pour renaître, il fallait forcément une mère, et que cela passerait par le sein de celui que Jésus ne cessa de nommer durant leur entretien : l’Esprit.
Du reste, dans l’Évangile, toutes les fois que le Père parle directement pour désigner son fils, c’est toujours en présence de l’Esprit (colombe au baptême, nuée à la Transfiguration et gloire dans Jn 12). Car non seulement là où il y a un père et un fils, il y a forcément une maman, mais surtout le père a besoin d’elle pour savoir qui est son (vrai) fils et le fils, qui est son (vrai) père (lisez l’affaire du Père cocu). C’est pourquoi, l’Esprit est là quand le Père reconnaît son Fils, mais c’est encore lui, dit St Paul, qui apprend aux fils/filles à nommer le Père “Abba” (Rm 8,15).
Oui, vous avez bien vu… où je veux en venir. Alors, au nom du Père et du Fils… et de la Mère? Jamais vous me convaincrez de blasphème, ni ceux à qui j’emprunte cette idée. Ils s’appellent B. Akotia, Y. Congar, FX Durwell, A. Lemonnyer… L’on ne dit pas que l’Esprit est une femme. Mais que dans la Trinité, ou du moins en notre faveur, il a un rôle maternel d’engendrement (Jn3,5), de nourricière (c’est lui qui conduit à la vérité tout entière, Jn 16,13) et, d’“adoucissante fraîcheur” de consolation (Jn 14,26>Is 66,13). Laissons les débats aux théologiens.
Pour nous, que peut vouloir dire tout ceci ? Peut-être : si la révélation s’est faite du Père, par le Fils, vers l’Esprit, notre vie emprunte le chemin inverse. Elle commence dans l’Esprit, par le Fils, vers le Père. Qui est véritablement engendré par l’Esprit, est un.e fils/fille qui devient toujours plus semblable au Fils et peut donc nommer le Père et lui rendre gloire.
— Quoi, le parler en langues ? — Non, être engendré par l’Esprit, c’est surtout ressembler au Fils, toujours plus, afin d’être digne du Père. Vous voyez la Trinité ? Voilà : c’est pourquoi les saints seuls y comprennent quelque chose. Quant à nous… Bonne fête des mères et de la… Trinité (lisez, le ping-pong).