Jn 5,17 – « Mon Père est toujours à l’œuvre, et moi aussi, je suis à l’œuvre »

Les miracles du Christ sont des épées à double tranchant, pierre à deux voire trois coups. L’un de ces coups sous cape — ou peut-être est-ce l’essentiel? — c’est qu’un certain nombre a lieu un jour de sabbat. Au commencement… Jean débute son évangile par les mêmes mots que la Genèse. Sans ambiguïté donc, il raconte l’histoire d’une nouvelle création. Les querelles qui y surgissent sur le sabbat ne sont donc pas juste une façon pour Jésus de jouer au mauvais garçon de la tribu, qui énerve exprès ses aînés. Au fond, contre Jésus, les pharisiens ont de bons arguments. Pour eux, Dieu a déposé la création de façon achevée et s’est ensuite reposé : les défauts constatés ici et là ne peuvent donc être que la faute de ceux qui les porte : l’aveugle-né, par exemple, a forcément péché, ou ses parents, pour être aveugle-né.

Sans doute, Jésus invite-t-il à voir autrement : la création entière, aveugle-né et pharisiens ensemble, est en état d’achèvement, de création renouvelée de la part d’un Dieu qui conserve le monde et le porte à son achèvement. Aussi, en plein sabbat, Jésus déclare : “Mon Père est toujours à l’œuvre, et moi aussi, je suis à l’œuvre” (Jn 5,17) en écho, sans doute, à Gn 2,2 : “Dieu acheva au 7e jour son œuvre, qu’il avait faite…”. Le temps accompli, passé, des deux verbes n’est pas anodin. La création avait déjà été faite. Mais le jour du Sabbat, elle fut achevée, ce qui signale deux gestes, deux mouvements différents. Le Sabbat n’est donc pas le repos d’un Dieu fatigué (de quoi aurait-il bien pu être fatigué?, demande Augustin) mais le parachèvement de son œuvre. Le plus paradoxal, c’est que ce parachèvement ne vient plus par l’effort d’un travail, mais par l’œuvre de la grâce, non par un faire mais par un se laisser faire. Comme tel paralytique, tel aveugle-né, tel voisin qui vous insupporte, vous-même, pas plus qu’eux, n’avez pas été achevé à la création puis planté là, parfait mais con. Dieu continue de vous créer, de vous parachever en vue du sabbat éternel. Au final, celui qui pèche contre le sabbat, c’est celui qui refuse de se laisser faire, qui interdit à Dieu de faire, qui voudrait tout faire. Vous voyez la gueule des pharisiens ?

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