Le mystère de la Pentecôte qui, entre autres, porte rien moins que la représentation du monde selon le christianisme, mériterait une méditation beaucoup plus longue. Cela attendra, sans doute l’année prochaine, sans compter qu’il est constamment question de l’Esprit saint dans d’autres commentaires, comme sera dimanche prochain pour la fête de la Trinité sainte. En ce dimanche, j’aimerais m’arrêter juste à la première lecture, le récit, unique dans le nouveau testament, de la descente de l’Esprit – et encore, au sein de ce récit, à seulement trois des images associées à l’Esprit saint. La première, c’est le souffle. La seconde, c’est le feu. Et la troisième, c’est la parole.
Ça n’était qu’un coup de vent
« Soudain un bruit survint du ciel comme un violent coup de vent » (Ac 2,2). Attention, ceci n’est pas une métaphore, c’est (presque) une citation. La phrase rappelle en effet cet premier souffle dont il s’agit au début de la création : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide et le souffle de Dieu planait sur les eaux. Et Dieu dit :… » Cet Esprit qui plane de nouveau vient donc rien moins que pour une nouvelle création.
Retour à la Genèse : Dieu forma l’homme avec l’argile, avec la glaise et souffla en lui l’haleine de vie et l’homme devint un vivant. C’est à ce moment-là seulement, avec la force de l’Esprit qui lui est insufflé, que Dieu couronne son œuvre de création, c’est à ce moment que l’homme est devenu une créature debout devant Dieu, son créateur. Ce retour au commencement du monde nous montre donc bien que sans l’Esprit de Dieu insufflé en l’homme, celui-ci n’est pas homme et Dieu n’est pas (son) créateur. Sans l’Esprit de Dieu soufflé sur l’homme et en lui, celui-ci n’est qu’une masse d’argile informe, c’est-à-dire au mieux une statue sinon un être mort et bientôt réduit à la poussière.
Mais alors, lorsque, à la Pentecôte, Dieu donne un second souffle aux hommes, qu’il leur donne, une deuxième fois, l’Esprit qui fit d’eux des vivants, vient une question inévitable : pourquoi donc Dieu donne-t-il un second souffle à des hommes qui sont déjà vivants ? Qu’il leur envoie un violent coup de vent, serait-ce pour les réveiller ? Serait-ce peut-être qu’ils sont morts, entre temps ? Tellement morts qu’il fallût, cette fois, que le vent fût violent pour les en réveiller, les ressusciter ? Serait-ce que, entre temps, ils sont revenus à l’état d’argile informe, de glaise inanimée ? En besoin de re-création ? Je laisse là la question en attendant.
Ou alors seulement un feu de paille
« Alors leur apparurent des langues qu’on aurait dites de feu, qui se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux. » (Ac 2,3). La deuxième image, donc : le feu. Le vent apporte avec lui un feu qui se dépose sur les apôtres. Dans l’imaginaire chrétien, très souvent, nous associons le feu et sa chaleur étouffante plutôt au diable et à son enfer qu’à Dieu et à son Esprit saint : on consume plus volontiers dans le feu de l’enfer qu’on brûle du feu de l’Esprit saint.
Mais il se peut que la fête de la Pentecôte vienne nous ouvrir les yeux sur une réalité essentielle : la figure ambiguë du diable et de ses démons. Satan n’est pas seulement celui qui rôtit les âmes à la broche sur son barbecue en enfer, il est peut-être aussi le sapeur pompier qui passe partout pour éteindre le feu qui brûle dans le cœur des disciples. L’enfer n’est peut-être pas brûlant mais d’une froideur à rôtir les âmes.
Mais alors, ici encore, la question est rhétorique : mais pourquoi donc Dieu envoie-t-il du feu aux disciples rassemblés ? Serait-ce qu’ils sont devenus froids ? Que le diable les a atteints et refroidis au moyen de son karcher polaire luciférisé ? Ici encore, je laisse la question en suspens. Remarquez que être mort (paragraphe précédent) et être froid, ça rime dans la métaphore. Mais avançons.
Paroles, paroles, paroles ? Merci Dalida
« Tous furent remplis d’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit. » (Ac 2,4). La troisième image, donc. Dans la première lecture, ce n’est pas seulement du feu qui est donné aux disciples, mais c’est du feu sous forme de langues. C’est des langues de feu qui se déposent sur eux. Ici encore, il faut se rappeler l’un des premiers passages de la même Genèse, Dieu dit :… Ici, peu importe ce qui suit, peu importe ce qu’il dit! Il suffit de prendre note que Dieu parle. (Ça fera d’ailleurs parti du sarcasme des Juifs contre leurs voisins : leurs dieux ont des bouches mais ne parlent pas.) Mais Dieu n’est pas seulement un Dieu qui parle : c’est un Dieu à qui on peut parler. Mais pas seulement : c’est un Dieu avec qui on peut discuter et même parfois négocier.
Rappelez-vous, par exemple, cette histoire extraordinaire d’Abraham devant la destruction prochaine de Sodome et Gomorrhe, qui me fait souvent penser à ma grand-mère négociant le prix de tomates au marché d’Anié. Dieu dit : « je vais détruire la ville » et Abraham dit : « Soyons sérieux, Seigneur. S’il y a cinquante justes dans la ville, la détruiras-tu ? quand même, non ! ». Ou Gédéon le comique qui demande des signes farfelus : ne demanda-t-il pas à Dieu de faire pleuvoir la rosée seulement sur une peau de mouton en maintenant sec l’alentour, et le lendemain de faire l’inverse juste pour être sûr de devoir faire ce qu’on lui demandait ? Et Dieu ne s’exécuta-t-il pas ? Notre Dieu est un Dieu avec qui l’on parle et à qui l’on dit même parfois qu’on n’est pas d’accord avec Lui : lisez le livre de Job et quelques psaumes ou Jonas. Vous voyez ? C’est un Dieu qui parle et à qui l’on parle parce qu’il nous a Lui-même donné la parole.
Mais alors, pourquoi, pourquoi donc redonne-t-il des langues aux disciples qui sont réunis le matin de pentecôte ? Serait-ce parce qu’ils auraient perdu la parole entre temps ? Serait-ce qu’isolés et tétanisés par la peur des autorités, ils se soient reclus à tel point que leur voix est devenue inaudible et qu’ils soient devenus muets comme des carpes ? Le Cénacle, si célébré, n’était sûrement pas seulement le lieu de l’attente : c’était aussi le lieu de la réclusion, l’enfermement de la peur, le tombeau du silence. Remarquez encore que être morts, être froids et avoir avalé sa langue, ça rime encore un peu avec la tombe, non ?
Sans feu ni lieu : la geôle de la mort
Dans cette série de trois questions que j’ai posées à propos d’abord du souffle, du feu et de la parole, vous avez sans doute compris où je voulais en venir. Oui, les apôtres ont perdu le souffle de vie. Ils sont devenus comme morts, sans force, sans idéal, sans respiration. Parce qu’ils ont l’histoire de la passion de leur Maître derrière eux ; bien sûr qu’il est ressuscité et ils l’ont vu ; mais après ils ne l’ont plus revu, il est parti. Oui, Celui qui était leur vie n’est plus là et ils semblent morts. Il leur a promis qu’il enverrait l’Esprit mais, diable !, ça se fait attendre.
Ils ont ainsi perdu le feu qui les animait jadis quand Pierre pouvait dire fièrement et hardiment au Christ : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant » et où Jésus lui répondit, vous vous en souvenez, « Ce ne sont pas la chair et le sang mais l’Esprit de Dieu qui t’a révélé cela ». L’Esprit de Dieu, le feu. Oui, mais entre temps, ils ont perdu ce feu, Satan le pompier glacial, l’a éteint en un coup de karcher diabolique. Ils sont muets, ils ne savent plus que dire, que chanter, que proclamer. La peur les tétanise et le Toto les paralyse : ils sont reclus dans le Cénacle, portes et fenêtres closes, issus barricadés… Ils se sont mis eux-mêmes en prisons pour être en sécurité et le diable a barricadé les portes et emporté les clefs pour qu’ils n’en sortent plus jamais.
Et c’est là que l’Esprit saint pointe son nez : comme un souffle et même un grand vent, comme un feu et même un incendie, comme une parole et même comme une multitude de langues qui sont parlées, entendues et comprises dans une forme de cacophonie harmonieuse, de brouhaha mélodieux.
Le don de la Parole
Il faut, pour cette raison, s’arrêter à la dernière image, celle de la Parole, celle du Verbe – qui me paraît la plus importante (on peut en discuter). En effet, la chose première que font les apôtres comme signe du don de l’Esprit, c’est qu’ils parlent. Les deux premiers dons sont, en réalité, ordonnés à celui-là. Brûler du feu de l’amour et retrouver le souffle devant les situations qui menacent de nous l’enlever permet principalement de pouvoir (re)prendre la parole (une parole souvent tombée), pour proclamer haut et fort par toute la terre et devant toutes ces choses qui dans nos vies nous écrasent, devant ces catastrophes du monde qui nous accablent, devant le Toto qui nous accuse…
Leur silence antécédent, ainsi que tous les instruments dont il usait (portes et fenêtres fermées, réclusion au Cénacle, etc.) était le signe par excellence de la peur. Juste avant, en effet, ils se taisaient et s’enfermaient même dans la sécurité d’un cachot… pour une simple raison, ils avaient peur. Mais ils reçoivent l’Esprit, leur peur est passée et là, la première chose qu’ils font, c’est parler. Mais alors, et si l’œuvre de l’Esprit en nous, c’était de nous faire parler ? Et si le feu de l’ardeur, le nouveau souffle qu’ils reçoivent étaient destinés à les aider à parler ? Et si l’œuvre de l’Esprit en nous, c’était de faire de nous des hommes et des femmes de paroles ? Et, du coup, d’enlever ce qui enlève la parole ? D’ôter ce qui leur ôtait la voix ? C’est-à-dire la peur… ?
Nous le savons tous : la peur enlève la parole et parler (vraiment!), c’est le signe qu’on n’a pas peur (quand un enfant a peur de quelque chose – les mamans le savent – on le fait parler, décrire ce qu’il a vu, afin que parvenu à mettre les mots sur ce qu’il a vu, il ait vaincu la peur à moitié). Le mutisme est le signe par excellence du manque de courage, du manque d’audace et les situations où cela se présente (comme la difficulté à témoigner par exemple), on se tait.
Liberté d’expression
Les disciples avaient peur après la Passion : l’Esprit vient leur redonner la parole et ils ne se tairont plus jamais. L’Esprit qui nous est donné n’est pas un Esprit de peur, mais un esprit de force, d’amour et de raison qui nous invite à prendre la parole et à dire haut notre voix, à offrir notre musique au monde, à ne pas taire notre parole mais à la dire en concert avec les autres paroles de notre monde.
Au sens le plus fort, l’Esprit saint n’offre que cela : la liberté d’expression, au prix de sa vie. Au plus fort, les apôtres ne deviendront que cela : des hommes de paroles, des hommes qui ne se contentent pas de dire les choses mais les vivent, des hommes qui tiennent parole jusqu’à la payer de leur vie. C’est la seule façon pour que ceux qui les observent ne finissent par s’en aller en disant, haussant les épaules : oh, ce n’était que coup de vent, feu de paille et paroles… Et peut-être qu’ils avaient bu un peu trop pour un dimanche matin.
Feu, souffle et parole sont donc liés. J’apprécie toujours quand vous faites référence au dialogue entre Abraham et Dieu et surtout cette possibilité offerte aux hommes de négocier avec leur créateur. Merci pour ce texte qui nous rappelle les dons de l »Esprit que nous avons reçus: Se lever et parler, dire les merveilles de Dieu dans nos vies.
the Holy Spirit, it is freedom of expression! Yes to some degree in today s life ..I believe that the Holy Spirit it is the words of God as well as the importance to study read n completely understand god s will. Holy Spirit or spirito santo is what we are bearing in is n what we are feeling duly n daily. This article it is very important and I thank you for it.
Dario
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