Il m’a fallu lire (et entendre) à haute voix le récit de la Passion selon saint Luc à la messe d’hier soir pour entendre les harmoniques qu’il avait ou pouvait avoir (oui, je tire toujours par les cheveux) avec son récit de… Noël. Je me suis alors résolu, une fois n’est pas coutume, restant dans cet esprit de l’enfance, à vous servir l’homélie que j’ai écrite pour les enfants et où se joue une curieuse affaire de… princesse.
La paix a fait séjour sur terre
Dans le récit de la passion, Jésus rentre donc à Jérusalem, à dos d’âne, accueilli par une foule en liesse. Tous les quatre évangiles rapportent la chose, à des détails près (Mt 21, Mc 11, Jn 12, Lc 19). Les acclamations avec lesquelles la foule le salue font référence à sa royauté d’origine davidique, et chantent Hosanna au plus haut des cieux.
Hosanna au fils de David !
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Hosanna au plus haut des cieux !
Seulement, Luc après avoir rapporté ces phrases n’a pu s’empêcher de leur rajouter ceci :
Paix dans le ciel
et gloire au plus haut des cieux !
Et, je n’ai pas besoin de vous le dire, ce sont les mêmes paroles que chantent les anges quand ils annoncent aux bergers la naissance du Christ. Mêmes paroles ? Non, pas tout à fait. À la naissance, les anges chantent Paix sur la TERRE aux hommes qu’il aime; à la mort le peuple chante Paix dans le CIEL. Le lien est là mais le lieu de la paix semble donc avoir changé : la paix, venue avec la naissance du fils de l’homme, va-t-elle donc quitter la terre avec sa mort ?
La paix des gueux
Mais avant d’y revenir, ce premier détail a attiré mon attention sur un autre : c’est l’ouverture des cieux. À la naissance du Christ (tel que Luc est seul à le raconter), les cieux s’ouvrent et un grand orchestre angélique entonne donc le chant du Gloria. Mais le public de cette majestueuse production ? Des bergers. Des gens de rien. Mais c’est pour eux que les anges se mobilisent. À la mort, le ciel va bientôt s’ouvrir également pour accueillir l’esprit du Christ. Mais pas seulement : il accueillera aussi ceux qui ont mis leur pas dans le sien, leur oui dans son oui, leur offrande avec la sienne. Et devinez encore ici qui est le premier sur la liste : le bon larron. C’est pire que des bergers.
On pourrait s’amuser à trouver d’autres harmoniques (par exemple, cet acharnement des autorités politiques autour de la naissance comme de la mort). Mais revenons à la question précédente : la paix, venue au monde avec la naissance du fils de l’homme, va-t-elle donc quitter la terre avec sa mort ? La réponse, qu’elle vous plaise ou non, est oui. Les cieux s’étaient ouverts dans un sens et avaient, pour ainsi dire, versé la paix sur la terre et, là, ils vont se rouvrir et se refermer, laissant la terre en mal de paix. Mais dans ce legs sombre que nous présente la Passion, il y a au moins deux signes d’espoir.
Deux signes d’espoir ou la Noël de la Passion
Le premier, c’est qu’il nous montre ceux qui ont vraiment bénéficié de ce séjour bref qu’elle a fait au milieu des hommes et ceux qui continueront à en bénéficier : les bergers, les gens de rien, les Zachée, les femmes adultères, les enfants prodigues, les (bons) larrons. Toutes ces gueules cassées qui peuplent l’évangile de Luc et à qui, dès le début, il annonce un Jubilé : voilà les élus de la paix, ceux qu’elle a favorisés durant son séjour sur la terre.
Le second signe d’espoir est le suivant : en contemplant tout ce que la Paix a fait durant son passage sur terre et en l’imitant, les hommes sont capables de la continuer, de la poursuivre. Et ce faisant, son retour au Ciel ne sera pas un regret. C’est même mieux encore : en imitant son amour pour les Zachée et autres femmes adultères, en imitant sa miséricorde pour les Samaritaines et autres enfants prodigues, ils donneront à la terre un petit goût de ciel. Oui, la paix ne se trouve qu’au ciel. C’est pourquoi le fils de l’homme qui vient l’apporte et semble l’emporter en mourant. Mais par la grâce de son passage, les hommes sont devenus capables d’installer de petites colonies du ciel sur la terre. La paix est repartie au ciel, mais le ciel peut ne pas quitter la terre. Si quelques-uns parmi les hommes le veulent bien.
---- c’est ici qu’arrive mon homélie pour les enfants ----
Le roi sans princesse
Chers enfants,
Vous venez d’entendre ce qui s’est passé lorsque Jésus est entré à Jérusalem. Il était monté sur un âne et tous l’ont accueilli avec des branches de palmier en criant : Hourra, longue vie au roi ! Connaissez-vous la suite de l’histoire ? Vous voulez le savoir ? Il s’agit d’une suite totalement fantaisiste, qui a vu le jour cette nuit, toute seule, dans ma tête. Vous voulez quand même l’entendre ? Eh bien, allons-y !
Lorsque Jésus est rentré chez lui le soir, il était entouré de ses disciples et de sa famille, et quelques enfants se tenaient également autour de lui. Il y avait une fillette, Sarah, qui voulait poser une question à Jésus depuis le matin, mais elle avait peur d’aller dans cette assemblée d’adultes. Pourtant, courageusement, elle s’est approchée de Jésus et lui a demandé :
— Grand-mère dit que tu es le roi. Mais où est ta princesse ? Et où sont tes esclaves ?
Pour Sarah, une chose était claire : s’il y a un roi, il lui faut une princesse et des esclaves.
Et si tout le monde était prince-sse…
D’abord, Jésus félicita Sarah pour sa question. Puis il lui demanda de la répéter pour que tous les adultes l’entendent. Alors, le cœur battant de parler devant tout ce monde, Sarah répéta la question. Alors, Jésus la prit dans les bras et lui dit:
— Ta grand-mère a raison, je suis un roi. Mais je veux fonder un royaume où tout le monde est princesse et prince. Donc toi, tu es ma princesse.
Sarah sourit. Et Jésus continua :
— Et tous les autres sont aussi des princesses et des princes. Tu n’es pas jalouse, j’espère.
Sarah fit non de la tête et Jésus continua:
— Si tout le monde est prince et princesse, personne ne sera ni esclave, ni soldats qui font la guerre et ce sera un royaume de paix. Tu vois la chose ?
Sarah fit oui de la tête puis leva quand même le doigt et demanda à Jésus:
— Mais si tout le monde est prince et princesse, qui va faire à manger dans ton royaume, qui va faire le ménage au château?
Et si le roi faisait lui-même le ménage…
Jésus lui répondit:
— En voilà une bonne question. Mais ça, je le ferai moi-même. Je ferai tout ce qu’il faut pour que toi tu restes princesse et les autres aussi.
Sarah, l’air étonné, fixa Jésus:
— Toi, un roi, tu vas faire tout ça?
Pour une fois, Jésus ne parla pas, il fit oui de la tête. Et après avoir réfléchi, Sarah lui dit alors:
— Si je suis ta princesse, je ne peux pas te laisser faire ça tout seul. Le roi et la princesse doivent toujours être ensemble. Alors si tu veux, je viendrai t’aider. Et je vais dire à tous mes amis, on viendra t’aider.
— Vous êtes les bienvenus, Sarah, répondit Jésus.
Et si tout le monde s’y mettait…
Jésus était fier de Sarah (la grand-mère aussi). Parce qu’elle avait presque tout compris. Selon Jésus, un roi et une reine, un prince et une princesse doivent être au service des autres. C’est pour cela que Jésus était au service des aveugles et oubliés comme Bartimée, des affamés, des estropiés, des rejetés comme Zachée, des lépreux, des enfants repoussés. C’est pour cela qu’il est le vrai roi car tous les membres de son royaume ont la même dignité. Alors, la question : voulez-vous être ses princesses et ses princes ? Voulez-vous, comme Sarah, l’aider vous aussi ?
Alors, je vous invite à vous lever. Nous allons tout de suite commencer à aider Jésus. Nous allons le faire en priant Dieu son Père de donner la paix à ceux qui sont en guerre. Nous le prions de donner la joie à ceux qui sont tristes. Nous le prions de donner à ceux qui sont rejetés de trouver un peu d’amour et d’attention. Nous le prions de susciter des hommes proches et au secours des enfants abandonnés et maltraités. Nous le prions pour qu’il nous aide aussi à être dans nos familles, dans notre école, comme la petite Sarah, des princes et des princesses de paix, au service des autres.
Je me suis senti profondément enfant, le temps de la lecture, comme à la messe de 9 heures (messe des enfants à l’époque sur ma paroisse), écoutant cette homélie de la passion, dans ce style tellement simple mais tellement profond finalement. Être de petits princes et princesses au service des autres. La paix venue du ciel aura ainsi laisser des traces sur la terre.
Hmmm, le Royaume des cieux appartient vraiment à ceux qui leurs (les petits enfants) ressemblent 😊
Padre, au risque de vous contrarier, je peux assurer que ce billet n’est pas votre meilleur commentaire de l’évangile que j’ai lu mais le plus touchant par ce que le plus simple ou le plus innocent. J’ai aimé cette homélie des enfants qui devrait s’adresser plus aux adultes que nous sommes qu’aux enfants qui savent déjà bien souvent être au service des gens. Le Roi, ses princes et ses princesses, ainsi que leurs amis selon la conception de Sarah, voilà ce que nous devons être.